Au gré de l’évolution de ses affaires, une entreprise peut être amenée à connaître des difficultés temporaires, dues par exemple à une crise générale ou sectorielle, à la faillite d’un de ses fournisseurs ou de clients importants, à un investissement inopportun, à une condamnation judiciaire ou encore à un accident quelconque, une gestion déficiente, la pression concurrentielle, la maladie ou le décès de son dirigeant …
Une entreprise peut dès lors se voir menacer de faillite pendant cette période, bien qu’elle estime être confrontée à des difficultés passagères et que des mesures de restructurations ou des changements de stratégies lui permettraient de rapidement retrouver une situation saine.
La survie d’une entreprise en difficulté devient dès lors très vite soumise à l’action de ses créanciers qui sont libres de lui accorder des délais de paiement ou d’entamer la mise en faillite de cette dernière.
La récente loi du 7 août 2023 relative à la préservation des entreprises et portant modernisation du droit de la faillite offre toutefois une possibilité à toute entreprise entrant dans le champ d’application de la loi, d’éviter la faillite et de maintenir son activité pendant une période de sursis à travers la nouvelle Procédure de Réorganisation Judiciaire (ci-après la « PRJ » ).
La PRJ offre à l’entreprise une protection temporaire contre ses créanciers, lui permettant ainsi de se concentrer sur la restructuration de ses dettes et l’amélioration de sa situation économique.
L’état de faillite n’est donc pas une condition pour bénéficier de la PRJ, bien au contraire, il est conseillé à toute entreprise en difficulté de solliciter l’ouverture d’une PRJ avant toute assignation en faillite, dès la mise en péril de l’entreprise, à bref délai ou à terme.
Pour ce faire, l’entreprise doit adresser une requête au tribunal d’arrondissement territorialement compétent, siégeant en matière commerciale, qui se prononcera sur l’ouverture de la PRJ et la durée du sursis accordé à l’entreprise.
L’intérêt essentiel de la PRJ réside dans la protection accordée à l’entreprise en difficulté dès le dépôt de la requête.
En effet, à compter du dépôt de la requête, l’entreprise bénéficie d’une suspension temporaire des procédures d’exécution de ses dettes et ne peut être déclarée en faillite jusqu’à l’expiration du sursis, ce qui lui donne un répit pour mettre en œuvre les mesures nécessaires à sa restructuration.
Dans la majorité des cas, l’objectif de la PRJ est d’élaborer un plan de réorganisation pendant la durée du sursis qui sera accordé par le tribunal, détaillant les mesures à mettre en place pour rétablir la viabilité de l’entreprise.
L’entreprise doit donc prendre soin d’établir une liste de ses créanciers dont elle reconnait l’existence, afin que le plan tienne compte de l’ensemble des dettes de l’entreprise.
Le plan de redressement contient une proposition de paiement pour tous les créanciers, mais il peut inclure diverses actions telles que la renégociation des dettes, l’échelonnement des paiements, la conversion de créances en actions ou parts sociales ou encore le règlement différencié de certaines catégories de créances, notamment en fonction de leur ampleur ou de leur nature.
Avant l’expiration du sursis, l’entreprise doit déposer son plan de réorganisation au greffe du tribunal d’arrondissement qui sera à la disposition des créanciers, afin que ces derniers en prennent connaissance.
En effet, tous les créanciers sont convoqués à l’audience fixée pour le vote du plan de réorganisation de l’entreprise à laquelle les créanciers peuvent faire valoir leurs observations et leurs éventuelles contestations.
Pour être adopté, le plan doit en principe recueillir le vote favorable de la majorité des créanciers de chaque classe (créanciers ordinaires et extraordinaires) présents ou représentés à l’audience et représentant par leurs créances non contestées ou provisoirement admises, la moitié de toutes les sommes dues en principal (règle de la double majorité).
Il est donc essentiel pour l’entreprise d’élaborer un plan qui :
- traite les créanciers de façon égale au sein d’une catégorie de créance
- est suffisamment favorable aux créanciers pour recueillir leur approbation au moment du vote
- offre une perspective raisonnable d’éviter l’insolvabilité
A l’issue du vote, la décision d’homologation du plan est soumise au tribunal qui vérifiera si le plan a recueilli le vote favorable de la double majorité des créanciers et si le plan respecte les formalités requises par la loi, s’il offre une perspective raisonnable d’éviter l’insolvabilité du débiteur ou de garantir la viabilité de l’entreprise et s’il est conforme à l’ordre public.
Le jugement d’homologation est finalement prononcé avant la fin du sursis accordé à l’entreprise et il rend contraignant le plan de réorganisation à l’encontre de tous les créanciers, peu importe qu’ils aient voté en défaveur du plan ou qu’ils n’aient pas été représentés à l’audience.
L’entreprise initialement en état de faillite ou seulement menacé de faillite peut ainsi voir sauver son activité économique et ses emplois si elle parvient à mener à bien l’exécution complète de son plan de réorganisation qui la libérera totalement et définitivement pour toutes les créances reprises dans le plan.
C’est dans le cadre de cette nouvelle loi qui a introduit la PRJ, que notre étude a été sollicitée et a permis avec succès de préserver l’activité d’une entreprise au bord de la faillite et qui emploie plus d’une cinquantaine de salariés.
Au regard de notre première expérience en la matière, nous conseillons vivement à toute entreprise qui envisage de recourir à la PRJ de consulter un avocat qui pourra la guider à chaque étape du processus, s’assurer de la conformité du dossier, et maximiser les chances de succès.
Il est finalement essentiel de noter que la PRJ a pour objectif d’assurer la continuité de tout ou partie des actifs ou des activités de l’entreprise, de sorte que la protection accordée par le sursis n’est valable que pour les créances « sursitaires » nées avant le jugement d’ouverture de la PRJ.
En effet, une PRJ sera vouée à l’échec et le tribunal pourra décider la fin anticipée de cette dernière, si l’entreprise n’est manifestement plus en mesure d’assurer la continuité de ses activités (par exemple le paiement de ses loyers, des salaires, etc.).
La réorganisation judiciaire n’est donc pas un remède instantané, mais un chemin ardu que seule une entreprise résolue à prouver sa solidité peut emprunter.
Article écrit par
Me Michaël MIGNONAvocat à la Cour
michael.mignon@etudecantele.lu